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La Cave aux Crapauds
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7 janvier 2007

Coups de foudre 2006

Mes 15 films préférés de 2006 :

Les fils de l'homme d'Alfonso Cuaron

Quelque part entre Stalker et Escape from New York, Cuaron signe un classique instantané, un film d'anticipation magistral dans lequel l'imaginaire colle totalement à notre réalité. Dans ce monde en furie qui va sur sa fin, le bébé est la minuscule chose en laquelle l'être humain croit - chacun à sa manière, qu'il s'agisse d'une récupération idéologique ou d'une attente métaphysique - l'étincelle pour l'avenir. L'homme est prêt à se sacrifier, pour ce début de vie à l'endroit où tout meurt. Au milieu du vacarme de la fuite du héros, des corps qui tombent et des explosions, les cris de bébé constituent la petite différence, le petit indice, le berceau au milieu du cimetière du monde. Qu'adviendra t'il de lui ? Nul ne le sait. Dans cette oeuvre apocalyptique qui tend vers le sacré, la survie de l'Enfant de la terre constitue l'espoir dans le brouillard.

Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro

Splendide réflexion sur la beauté de l'imaginaire à l'épreuve de l'horreur du réel. L'imaginaire est un refuge, mais ne peut rien contre l'anéantissement du monde : l'humanité est dans l'abîme, l'iniquité fasciste servant de prétexte à une vision intemporelle. Nul espoir à l'horizon. Del Toro par son labyrinthe, se pose en défenseur du fantastique lui-même, trop longtemps méprisé et considéré comme mineur : en effet, quel genre a cette propension à refléter la peur du réel, s'en nourrir, la sublimer ? Le fantastique devient l'espace privilégié de la réflexion sur notre sort, notre univers. Il est le lieu du symbole, de la métaphore, de la métamorphose. La petite fille rêvait d'éprouver la vie comme un bonbon sucré mais n'aura dans la bouche que le goût de son sang.

Le Nouveau monde de Terrence Malick

Malick poursuit son parcours de cinéaste panthéiste en une fresque polyphonique inouïe dont je m'étonne presque qu'elle puisse voir le jour à notre époque. Le montage haché abolit le temps, et la narration poétique, musicale et répétitive entremêle les voix tels des instruments qui finissent par s'accorder, trouver leur harmonie ... Malick nous enveloppe, nous sort de la réalité, et nous étreint par son incommensurable mélancolie. Pas de routine dans Le Nouveau monde comme la récurrence des voix offs aurait pu nous le laisser craindre, juste une cohérence, une manière d'affiner ses thèmes et de faire tendre son cinéma vers l'abstraction. Presque tarkovskien, porté par une amertume qui vous contamine, The New world dresse le constat de l'échec de notre civilisation.

Miami Vice de Michael Mann

Alors qu'on pouvait pressentir le plus commercial de ses films, Michael Mann nous livre son plus abstrait, le plus expérimental, dans lequel l'intrigue policière est un prétexte à la fascination somnambule. Grain de l'image, nuits blanches et petits matins urbains. Poursuivant avec la DV ses recherches esthétiques entamées avec Collateral, il utilise le numérique bien moins pour coller au réel que pour le dé-réaliser et le poétiser. C'est un monde sans héros que décrit Mann. Les personnages n'y sont que des ombres silencieuses, des fantômes désincarnés qui peuplent la nuit, laissant s'écouler leur temps avec indifférence. Ils se contentent d'errer sans trouver de sens à leur vie. L'émotion inattendue découle de la digression - parenthèse dans le néant - l'intrigue amoureuse qui semblait se greffer artificiellement emplissant le film d'une douloureuse mélancolie.

Blackbook de Paul Verhoeven

De retour dans sa Hollande natale Verhoeven nous livre son meilleur film depuis La Chair et le Sang. L'épique et le romanesque le plus échevelé y côtoient une réflexion noire sur la condition humaine, sur la place qu'occupe l'individu au sein du destin collectif et sur le sens d'une Histoire qui ne cesse de se répéter. Sans concession aucune, Verhoeven fustige la perception manichéenne de l'histoire en soulevant la grande importance du hasard dans la destinée. La position de Verhoeven est extrêmement pessimiste : survivre, c'est se compromettre, se salir, y laisser sa blancheur et sa candeur pour découvrir que le monde ne changera jamais. De plus le cinéaste nous présente l'un des plus beaux portraits de femme de ces dernières années : il est rare d'être autant à l'unisson des aventures d'une héroïne, de partager à ce point ses espoirs et ses déceptions. Blackbook, ou la fusion parfaite du Grand spectacle et de la réflexion.

Devil's rejects de Rob Zombie

La grande surprise de l'année. Alors que je n'attendais qu'un n-ième film de genre, une pochade d'horreur, Rob Zombie transforme cette cavale sanglante en portrait au scalpel des Etats Unis sublimé par une mise en scène exemplaire. L'absence de jugement décuple la force de Devil's rejects. Suivre ces assassins violeurs,  et nécrophiles dans leurs exactions et leur traque tout en conservant une neutralité de ton, tient de la gageure : amoral plutôt qu'immoral, Zombie malgré l'ultra-violence de son cinéma ne charge pas plus ses personnages qu'il ne laisse transparaître de la sympathie pour eux. Ils sont juste les produits d'un pays géniteur de ses propres monstres. Tout au plus, leur nature de "marginaux", de freaks, leur confère un certain statut héroïque ; leurs actes sanguinaires constitue une attitude nihiliste associale et véhémente. Mais ils restent des psychopathes : après avoir vu agir ces chiens enragés, il faut les regarder disparaître.

Arrivederci Amore, Ciao de Michele Soavi

Il aura fallu attendre 12 ans pour que Soavi rompe le silence avec une nouvelle perle. D'une noirceur extrême, Arrivederci Amore Ciao nous parle du devenir des idéologies et de l'engagement. Tout comme Dellamorte Dellamore, Arrivederci Amore Ciao évoque la fin du monde, l'univers vidé de toute substance et le "cimetière de la morale", le chaos. Lorsque Rupert Everett commençait à tuer les vivants dans le monde extérieur, Dellamorte Dellamore plongeait dans un cynisme hypnotique. C'est un peu là que commence Arrivederci Amore Ciao... Au delà d'un film ancré dans la réalité politique et sociale (on pense même au Caïman même si la forme de Soavi écrase largement celle de Moretti), Soavi n'oublie jamais le baroque de ses oeuvres précédentes dans ses trouées imaginaires, son excès, une certaine forme de théâtralité et son temps pluvieux de giallo.

Brockeback mountain de Ang Lee

Là où l'on pouvait redouter le pire film commercial opportuniste, Ang Lee évite absolument tous les écueils du mélodrame hollywoodien en réalisant une émouvante histoire d'amour vouée à un échec inéluctable. Un doux désespoir berce le film, pour finalement le conduire vers un climat proprement déchirant. Brockeback mountain n'est pas du tout la romance gay annoncée, mais un film universel sur le malheur individuel, l'inadéquation de deux êtres au monde dans lequel ils sont nés, destinés à vivre masqués, étrangers à leur propre existence. La magnificence du paysage montagneux américain noie symboliquement ces deux individus dans une solitude éternelle. Dans ce monde de préjugés, de virilité et d'argent, leur fragilité n'a pas sa place. Pudique, intime et sensible, Brockeback Mountain est une grande et belle oeuvre d'autant plus bouleversante qu'elle se refuse au pathos.

Les Anges exterminateurs de Jean-Claude Brisseau

Erotique, onirique, féerique, Les Anges exterminateurs ne s'embarrasse pas d'unité de genre ni de ton. Brisseau reste incontestablement l'un des rares cinéastes français à continuer à imposer son univers singulier entre la naïveté du propos et l'intelligence de ses questions. Les Anges exterminateurs frappe d'emblée par sa dimension autobiographique, mais s'en échappe pour interroger notre regard de spectateur, notre rapport à la beauté féminine, au voyeurisme, le théâtre du jeu érotique confondu à la mise en scène du cinéaste. Il questionne notre sexualité comme le cinéma le montre rarement, les rapports qu'entretiennent l'art et réalité, le plaisir et la transgression.... Et c'est souvent vertigineux. Parce que filmé dans l'urgence, Les Anges exterminateurs est inévitablement maladroit (plein de faux raccords), mais reste passionnant. Les scènes érotiques font partie des plus intenses que le cinéma nous ait donné de voir. Voilà un cinéaste qui continue de me conquérir à chacun de ses films.

12 and holding de Michael Cuesta

Avoir douze ans et tenir le coup... tout est dans le titre de cette perle du cinéma indépendant américain mettant en scène des adolescents livrés à eux mêmes, seuls dans leur malaise, leurs doutes, leurs amours et leur mal de vivre et dont la fragilité devient leur force. 12 and Holding ressemblerait à du Larry Clark mais l'espoir (petit) en plus et la crudité en moins. Cuesta présente un univers qui laisse l'enfant face à ses angoisses, sa peur de grandir ou sa culpabilité. S'élevant seul, il finit par éduquer ses parents, l'énergie adolescente s'opposant à la passivité d'adultes aveugles, aseptisés, égoïstes ou tout simplement endormis. Avec ses jeunes acteurs terrassants de naturel et de vérité 12 and holding émeut par cette sensation brute du vrai, par la beauté et la détresse de ses jeunes protagonistes.

Taxidermie de Gyorgi Palfi

Le grand film inclassable de l'année. Fable existentielle rabelaisienne, Taxidermia réduit l'homme à son plus simple mécanisme d'animal et d'appareil digestif. Derrière la farce transgressive perce une réflexion d'une noirceur extrême sur l'homme. C'est dans la matière fécale du monde que l'homme naît, vit et meurt. Nous ne sommes qu'animaux copulants, éructants, destinés à finir dans la fange... Choquant, amusant, délirant, provocateur, surréaliste, d'un baroque hystérique mêlé à l'érudition qui rappelle parfois Greenaway, Taxidermia transforme le cinéma en expérience limite suscitant autant d'admiration que de hauts-le-coeur. Avec Palfi, du vomi au divin il n'y a qu'un pas.

The host de Joon-ho Bong (voir article)

Lady Chatterley de Pascale Ferran (voir article)

La Science des rêves de Michel Gondry

Peut-être moins accompli que le splendide Eternal Sunshine of the spotless mind, La Science des rêves n'en demeure pas moins une merveille de cinéma excentrique et incongru, dans laquelle Gondry confirme toute la singularité de son univers. Porté par l'interprétation rayonnante de C. Gainsbourg et G. M. Bernal, La Science des rêves dresse la carte onirique du sentiment amoureux en un véritable manifeste pour l'imaginaire comme mode de survie. Fuyons la réalité, métamorphosons-là et tentons de créer un univers qui nous soit propre, semble déclarer Gondry. Ode à la différence porté par une douce folie, entre son délire visuel et sa réflexion désabusée, La Science des rêves est une fable sentimentale au ton unique, fascinante dans son style, touchante dans son propos.

Homecoming (TV) de Joe Dante

Le segment de Joe Dante pour la première saison des Masters of horror vaut mille fois mieux que tous les films de Michael Moore réunis. Cette vision des soldats de la guerre du Golfe revenus d'entre les morts pour réclamer le droit de vote est le meilleur brûlot anti-bush qui soit. Joe Dante égale ici les pamphlets de Carpenter et semble faire écho aux zombies engagés de Roméro. Après The Second Civil War la rage de Dante est toujours intacte. Cinglante vision du pouvoir US, Homecoming est tout à la fois terrifiant et désopilant.

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